Fête au Château

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Il y avait fête au Château en ce premier jour de l’été. Ce n’étaient pas les fêtes païennes du solstice, pas plus celles de celui-ci qui était inscrit a l’éphéméride, cet Alban de Verulanium, ce soldat premier martyr de la lointaine Albion, qui en 283, après avoir accueilli chez lui un prêcheur chrétien, avait revêtu les habits de celui ci pour se livrer et être supplicié à sa place par les armées de l’Empereur Dioclétien. Je m’étais pourtant paré moi aussi d’habits qui m’étaient inhabituels, non pas ceux de l’ecclésiastique, mais au contraire ceux en trois couleurs du républicain, parures que les hôtes habituels du château n’avaient pas trouvés suffisamment séantes pour eux même en ce jour historique. Et il ne s’agissait pas de célébrer, ni fête païenne, ni fête religieuse mais un évènement solennel et délicieux : l’union civile de deux êtres du même sexe devant la communauté des citoyens et devant la république. Et là pas de martyr. Ces deux êtres jadis floués de liberté, spoliés d’une partie de leurs droits, discriminés et rejetés, resplendissaient au milieu de leurs amis de l’éclat de l’égalité. Ces deux femmes jadis voués aux gémonies avaient été transformées par la grâce d’une grande prêtresse laïque noire, en deux fées blanches et lumineuses, reines de la journée.

Anja de la Rajasse, le gentilhomme Celius de Francfort, Signora Maria Helena et Don Signore de Calabresse, Johan Christus Chevalier du Luques, Thibaudt de Cuzieu et autres manants des faubourgs des Provinces ou de la Gravière s’étaient joints aux convives, pour jubiler du triomphe du droit, et investir ces lieux désertés par ceux qui habituellement les confisquent. Mais où étaient-ils donc ceux-ci qui s’obstinaient à fuir l’histoire ? Le monarque s’était sans doute retiré en pénitence pour sauver l’âme de ces fées damnées ? Le très people DD* en habitué des « lieux où il faut-être » avait un temps prévu d’officier, mais s’était ensuite décommandé, voulant sans doute éviter de déplaire à cette partie de la plèbe goguenarde, grognarde et dévotieuse dont secrètement, il convoitait les faveurs ? Et Kallisté de Tyrrhénie, où se cachait-elle ? Soit celle-ci était-elle mal remise des agapes musicales du solstice qu’elle avait partagé la veille avec son groupe d’amazones, soit elle était aussi en prière, soit était elle en répétition du texte qu’on lui avait écrit pour la journée ? Une chose est sure, elle n’allait pas se charger des fonctions et des responsabilités dont son people rival à la cour s’était affranchi et sans doute pour les mêmes raisons que lui. Tous étaient cachés derrière leur conscience. Seule la capitaine des gardes du monarque,  était consignée, mine et chevelure revêches, le front obscurci par le pamphlet matinal dans la gazette locale sur cette embarrassante fête dont on ne savait plus qui devait se réjouir ou qui devait s’inquiéter de me la voir célébrer.

Qu’importe, mes amis et moi étions dans la place, j’ai donc officié sans calcul, avec devoir et fierté, avec bonheur et délectation. L’assemblée respirait au rythme de l’envergure de l’évènement ! Chacun le chargeait de solennité, d’histoire, d’émotions, de poésie, d’amour ou de musique. Pour la première fois à Ste Foy, deux reines blanches d’un jour accédaient ensemble, non seulement à l’égalité de devoirs qu’elles assumaient pleinement depuis toujours, mais aussi à l’égalité de droits que la République leur offrait ce jour et pour toujours. Une offrande juste et laïque, au-delà de toute considération morale, religieuse ou idéologique et sans altérer le moindre droit ou acquis à quiconque. Au fronton du Château les mots de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité resplendissaient d’un nouvel éclat : Le mariage était devenu une réelle institution universelle et chacun avait tout également envie de crier : « Vive les Mariées » et « Vive la République».

*DD = Le très people Dauphin Déchu (Déçu selon certaines traductions)

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